Mariage pour tous, donc prestation compensatoire pour tous, oui mais pas forcément la même…

Author : Jean-Michel CAMUS
Published on : 16/07/2023 16 July Jul 07 2023

L’arrêt rendu par la Première Chambre Civile de la Cour de Cassation le 19 avril 2023 est intéressant à plus d’un titre puisque, d’une part, il se situe dans le cadre de la procédure de question prioritaire de constitutionalité, où la Cour de Cassation doit décider de renvoyer, ou pas, une question propriétaire au Conseil Constitutionnel, dans la mesure où elle considère que celle-ci n’est pas dépourvue de caractère sérieux.

En l’espèce, la question prioritaire de constitutionalité qui a été soumise à la Première Chambre Civile de la Cour de Cassation portait sur la question d’égalité devant la loi des couples composés de personnes de même sexe.

On sait que la loi autorisant le « mariage pour tous » date du 17 mai 2013.

Qui dit mariage pour tous, dit donc prestation compensatoire pour tous.

Et la question est naturellement venue de savoir si le fait que le mariage de personnes de même sexe n’est autorisé que depuis le 17 mai 2013 et que, par conséquent, l’union qui pouvait exister entre eux préalablement pouvait être une union libre ou un PACS, mais en tout cas pas un mariage, n’entrant donc pas en considération, selon la jurisprudence constante de la Cour de Cassation, dans la durée des mariages au sens des critères de l’article 271 du Code Civil permettant d’attribuer une prestation compensatoire n’était pas une rupture d’égalité.

En effet, les personnes de même sexe, même si elles voulaient se marier avant l’entrée en application de la loi du 17 mai 2013, ne le pouvait pas.

Par conséquent, n’y a-t-il pas une rupture d’égalité par rapport aux couples de sexe différent qui, eux, pouvaient se marier dès qu’ils le désiraient, bien avant le 17 mai 2013 ? Et force est de remarquer que, si l’on compare la situation de deux couples, l’un formé de personnes de même sexe, et l’autre formé de personnes de sexe différent, qui se sont rencontrés au même moment, largement l’entrée en vigueur de la loi sur le mariage pour tous, le premier n’a pas pu se marier alors que le second a pu le faire.

La conséquence est que, au moment du divorce, le droit à prestation compensatoire risque d’être bien plus élevé pour le compte hétérosexuel que pour le couple homosexuel.
 
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C’est dans ces conditions que la Cour de Cassation a dû statuer, mais elle a considéré que la question de l’absence de constitutionalité de l’article 271 du Code Civil, au regard de la possibilité pour les couples homosexuels de ne se marier qu’à compter de 2013, n’était pas sérieuse, dans la mesure où le Conseil Constitutionnel juge régulièrement que la succession de deux régimes juridiques dans le temps n’est pas, en elle-même, contraire au principe d’égalité.

Et la Cour de Cassation relève, à juste titre, que l’article 271 du Code Civil n’instaure aucune différence entre les couples mariés, qu’ils soient homosexuels ou hétérosexuels.

Dans ce contexte, la question de la constitutionalité de l’article 271 du Code Civil ne sera pas posée au Conseil Constitutionnel, alors même qu’à nos yeux il résulte pourtant, de la situation juridique, qu’il existe bien une différence matérielle réelle entre les couples qui ont pu se marier avant 2013 et ceux qui ne le pouvaient pas.


Cour de Cassation Première Chambre Civile, 19/04/2023, n° 23-40.004, Jurisdata n° 2023-006892

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