Revirement inattendu concernant la rétractation d’une promesse unilatérale de vente

Published on : 08/09/2021 08 September Sep 09 2021

Par un arrêt en date du 23 juin 2021, la 1ère chambre civile de la Cour de Cassation a opéré un revirement concernant les effets d'une promesse unilatérale de vente signée antérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016. Ce revirement opère une uniformisation des effets de la promesse unilatérale de vente signée avant ou après l'entrée en vigueur de ladite réforme. En effet, désormais, quelle que soit la date de signature de la promesse, la réalisation forcée de la vente pourra intervenir. Afin d'opérer ce revirement, la Cour de Cassation procède à une motivation « enrichie » en expliquant son propre raisonnement. En l'espère, le 1er avril 1999, Monsieur AJ et Madame AB ont consenti à Monsieur et Madame AF une promesse de vente d'un appartement dans un immeuble en copropriété et de la moitié de la cour indivise, l'option ne pouvant être relevée qu'au décès de la précédente propriétaire, qui s'était réservée un droit d'usage et d'habitation. Devenue attributaire du bien à la suite de son divorce, Madame AB s'est rétractée de cette promesse le 17 février 2010. Or, après le décès de la précédente propriétaire, Monsieur et Madame AF ont levé l'option le 8 janvier 2011. Ils ont assigné Madame AB en réalisation de la vente. Celle-ci a sollicité le rejet de la demande et subsidiairement la rescision de la vente pour lésion. Par arrêt de la Cour d'Appel de LYON en date du 19 mai 2020, rendu sur renvoi après cassation (3e civ. 6 décembre 2018, pourvois n° 17-21.170 et 17-21.171), la vente a été déclarée parfaite. Madame AB s'est donc pourvue en cassation. Par arrêt de la 3e chambre civile, en date du 23 juin 2021, la Cour de Cassation, au sein de sa motivation enrichie, a énoncé que : « En application des articles 1101 et 1134 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et 1583 du même code, la Cour de Cassation jugeait jusqu'à présent que, tant que les bénéficiaires n'avaient pas déclaré acquérir, l'obligation du promettant ne constituait qu'une obligation de faire.   Il en résultait que la levée de l'option, postérieure à la rétractation du promettant excluait toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d'acquérir, de sorte que la réalisation forcée de la vente ne pouvait être ordonnée (…), la violation par le promettant de son obligation de faire ne pouvant ouvrir droit qu'à des dommages et intérêts (…). Cependant, à la différence de la simple offre de vente, la promesse unilatérale de vente est un avant-contrat qui contient outre le consentement du vendeur, les éléments essentiels du contrat définitif qui serviront à l'exercice de la faculté d'option du bénéficiaire et à la date duquel s'apprécient les conditions de validité de la vente, notamment s'agissant de la capacité du promettant à contracter et du pouvoir de disposer de son bien.   Par ailleurs, en application de l'article 1142 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, la jurisprudence retient la faculté pour toute partie contractante, quelle que soit la nature de son obligation, de poursuivre l'exécution forcée de la convention lorsque celle-ci est possible (…).   Il convient dès lors d'apprécier différemment la portée juridique de l'engagement du promettant signataire d'une promesse unilatérale de vente et de retenir qu'il s'oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l'avant-contrat, sans possibilité de rétractation, sauf dispositions contraire. » Ainsi, même si la Cour de cassation admet la possibilité d'une stipulation contraire et donc la validité d'une clause de rétractation, en l'absence d'une telle clause, il n'y a pas de possibilité de rétractation. Ainsi, en l'espèce, Madame AB avait donné son consentement à la vente sans restrictions et la levée de l'option par les bénéficiaires était intervenue dans les délais convenus, de sorte que la rétractation du promettant ne constituait pas une circonstance propre à empêcher la formation du contrat de vente, et la Cour d'Appel en a donc exactement déduit que les consentements des parties s'étant rencontrées lors de la levée de l'option par les bénéficiaires, la vente était parfaite. Ainsi les dispositions de l'ordonnance du 10 février 2016 admettant la possibilité de forcer la vente sont étendues aux promesses unilatérales de vente signées auparavant, de par ce revirement. Cet arrêt présente donc un intérêt pratique évident, puisque les justiciables seront tous soumis au même régime juridique, peu importe la date de la signature de la promesse unilatérale de vente. Néanmoins, d'un point de vue purement juridique, la décision est contestable, puisqu'elle applique la réforme de l'ordonnance du 10 février 2016 aux promesses unilatérales de vente signées avant son entrée en vigueur.  *   *   *   Lien : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000043711071?init=true&page=1&query=20-17554&searchField=ALL&tab_selection=all Source : Civ. 3, 23 juin 2021, n° 20-17.554    

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