Qui de l'obligation de paiement du locataire commercial empêché d'ouvrir son magasin en raison du coronavirus ?

Published on : 30/06/2020 30 June Jun 06 2020

Tout d'abord, rappelons que l'une des ordonnances prises en exécution de la loi d'état d'urgence sanitaire, en l'occurrence l'ordonnance 2020–316 du 25 mars 2020, prévoit le report des loyers, sans possibilité d'usage de la clause résolutoire, entre le 12 mars 2020 et deux mois après la fin de l'état d'urgence sanitaire, soit le 10 septembre 2020, pour les entreprises qui peuvent bénéficier du fonds de solidarité institué par l'ordonnance numéro 2020–317 du 25 mars 2020. Mais ne sont visés que certaines entreprises, et il ne s'agit que d'un report, et pas d'une extinction de l'obligation de paiement, autrement dit les loyers de la période de fermeture devront être payés ultérieurement. La question peut toutefois se poser de l'extinction pure et simple de l'obligation de paiement des loyers, et pour toutes les entreprises qui ont été obligées de fermer, en raison du confinement instauré par le gouvernement français entre le 17 mars et le 11 mai 2020. Pour répondre à cette question, il importe de s'intéresser au droit commun des contrats. Nous n'aborderons pas ici la problématique liée à la théorie de l'imprévision, qui pourrait avoir un certain intérêt, à condition toutefois de ne pas avoir été écartée contractuellement. Notre étude se concentrera sur  l'exception d’inexécution : en effet, il résulte des dispositions de l'article 1719 du Code civil que l'obligation essentielle du bailleur est de délivrer aux preneurs la chose louée, d'entretenir cette chose, et de faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail. L'obligation de délivrance s'analyse en jurisprudence comme une obligation de résultat. Il est manifeste que la jouissance paisible et utile des locaux fermés, pour cause de confinement, entre le 17 mars et le 11 mai 2020, n'est plus assurée. Les locaux fermés ne sont plus éligibles à l'accueil du public, le preneur n'est plus apte à y exercer l'activité prévue au bail. L'inexécution, par le bailleur de son obligation essentielle, est donc caractérisée. Il est certain, que cette inexécution n'est pas fautive, puisque le bailleur subit également le fait du Prince qui a décidé de confiner et d'interdire l'ouverture des commerces pendant la période litigieuse. Mais cette absence de faute du bailleur, n'empêche pas le preneur d'invoquer l'exception d'une exécution puisque seule l'absence du résultat promis importe : la faute ou l'absence de faute du bailleur ne change pas l'absence du résultat promis : elle conditionne seulement une éventuelle mise en jeu de sa responsabilité civile contractuelle, qui paraît exclue dans ce cas. Dès lors que le bailleur ne remplit pas son obligation principale, le preneur peut, en application des dispositions de l'article 1219 et 1220 du Code civil, suspendre lui-même son obligation principale de paiement. Le bailleur sera alors tenté d'indiquer que non seulement l'inexécution lui est imposée, qu'elle n'est pas fautive, mais qu'au surplus elle réunit pour lui les conditions de la force majeure exonératoire. Mais là encore, la jurisprudence considère que la suspension d'une obligation pour cause de force majeure peut donner lieu à une application de l'exception d'inexécution de la part de la partie qui n'est pas empêchée d'exécuter : cette exception a un but préventif, en rapport avec l'inexécution temporaire et joue tant que l'obligation du partenaire est elle-même suspendue pour cause de force majeure (Cour d'appel de Rennes, 5 juin 2019 numéro 16/06 391). En principe, l'exception d'inexécution suspend, sans éteindre, l'obligation non exécutée, mais en l'espèce, il sera impossible au bailleur de permettre rétroactivement la jouissance paisible des locaux pour la période passée du 17 mars au 11 mai 2020. Ainsi, le preneur pourrait, à notre sens légitimement, refuser de payer les loyers pour la période de confinement, à la condition  que son activité ait été totalement interrompue pendant cette période. Ne doutons pas du fait que la jurisprudence aura l'occasion de trancher cette question dans l'avenir.

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