Arbre arraché n’est pas voie de fait

Published on : 16/12/2019 16 December Dec 12 2019

Un couple était propriétaire d’une parcelle de terre où était implantée une haie d’acacias, arbustes pourvus d’épines.  La commune leur a demandé de supprimer la haie au motif qu’elle présentait un danger pour les passants.  Les propriétaires ont réalisé un élagage, qui a été considéré comme étant insuffisant par la commune.  Cette dernière les a donc mis en demeure de procéder à l’abattage.  Les propriétaires refusant d’enlever leurs arbustes, la commune a donc pris l’initiative de pénétrer sur le terrain et d’y procéder elle-même.  Quelle ne fut pas la surprise des propriétaires lorsqu’un matin en ouvrant leur volet ou un soir en rentrant du travail, ils découvrirent que leur haie avait tout simplement été supprimée.  Ils ont donc attaqué la commune sur le fondement de la voie de fait, sollicitant la condamnation de la personne publique à la réalisation forcée de travaux de remise en état et au paiement de dommages et intérêts.  La voie de fait est l’une des exceptions à la compétence de la juridiction judiciaire pour connaître des litiges concernant l’Administration. La voie de fait a été définie en 2013 par le Tribunal des conflits (arrêt Bergoend : 17 juin 2013, N°3911) comme étant la situation où l’Administration : 
  • Soit a procédé à l’exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d’une décision elle-même régulière, portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l’extinction du droit de propriété ; 
  • Soit a pris une décision ayant les mêmes effets d’atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à une extinction du droit de propriété et qui est manifestement insusceptible d’être rattachée à un pouvoir appartenant à l’Administration. 
  En l’espèce, le cas de voie de fait qui aurait pu être concerné était le second.  En effet, les propriétaires se sont quand même vus arracher leurs arbres par la commune, laquelle a pénétré sur leur terrain de sa propre initiative.  Toutefois, la Cour de cassation a considéré qu’il n’y avait aucune voie de fait :  « L’abattage, même sans titre, d’une haie implantée sur le terrain d’une personne privée qui en demande la remise en état ne procède pas d’un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir appartenant à l’administration et n’a pas pour effet l’extinction d’un droit de propriété ».  La Cour a donc considéré que la demande des propriétaires à l’encontre de la commune relevait de la seule compétence de la juridiction administrative.  L’argument de la Cour selon lequel l’action de l’Administration ne procédait pas d’un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir appartenant à l’Administration peut être justifié dans la mesure où le maire, dans le cadre de sa mission de police municipale, est tenu d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques.  Cependant, la Cour a également considéré que l’action de la commune n’avait pas eu pour effet l’extinction d’un droit de propriété. Ce point est davantage sujet à critique : comme précédemment indiqué, les propriétaires se sont vus tout simplement priver de leurs biens par la personne publique, en l’espèce leurs arbres.  La leçon à retenir est qu’il faut couper correctement ses arbres quand l’Administration nous le demande, sous peine de les voir disparaître purement et simplement !    Cour de cassation, Troisième chambre civile, 24 octobre 2019, N°17-13550 https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000039307218&fastReqId=6434082&fastPos=1  

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