Le détournement de procédure : difficilement admis …

Published on : 03/08/2019 03 August Aug 08 2019

Les cas de criminalité organisée (articles 706-73 et 706-73-1 du Code de procédure pénale) ouvrent aux enquêteurs des pouvoirs, certes encadrés, mais plus étendus et plus intrusifs comme, entre autres, la sonorisation, la géolocalisation et la vidéosurveillance des lieux privés (articles 706-96 et 706-96-1 du Code de procédure pénale). En l’espèce, dans le cadre d’une instruction pour des faits de trafic de fausse monnaie (cas de criminalité organisée), deux individus ont été identifiés grâce à l’interception de leurs correspondances, la géolocalisation et la sonorisation de l’appartement de l’un d’eux. Il s’avère cependant que les investigations n’ont finalement pas permis d’établir l’implication effective de ces individus dans ces faits. La difficulté était la suivante : dans ce cadre, les actes d’investigation (et en particulier la sonorisation) ont toutefois révélé l’existence d’une autre infraction (trafic de stupéfiants) pour laquelle les individus ont été mis en examen. Les personnes concernées prétendaient que le recours aux pouvoirs intrusifs prévus en matière de criminalité organisée résultait en l’espèce d’un détournement de procédure. Ils demandaient par conséquent l’annulation des pièces afférentes à la sonorisation. En effet, les faits de l’infraction initiale (trafic de fausse monnaie), pour laquelle les pouvoirs spéciaux avaient été mis en œuvre (et en particulier la sonorisation), n’avait pas engendré de mise en examen (en raison de l’absence d’éléments suffisants pour retenir l’implication des personnes concernées). Il est vrai que la révélation de la seconde infraction (pour laquelle les individus ont, au contraire, été mis en examen) avait été permise par les moyens mis en œuvre pour la première. En réponse, la Cour de cassation considère que le détournement de procédure n’est pas avéré. Elle définit le détournement de procédure de la manière suivante : « le fait pour les agents publics de se placer faussement et à dessein dans le champ d’application des articles 706-73 et 706-73-1, à la seule fin de mettre en œuvre les pouvoirs conférés par les articles 706-96 et 706-96-1, dont ils n’auraient pu disposer autrement ». La Cour retient donc un critère finaliste. La preuve du détournement de procédure semble dès lors bien difficile à rapporter puisqu’il s’agira de parvenir à démontrer que les enquêteurs ont eu l’intention de détourner la procédure en ce qu’ils savaient dès le départ que l’infraction première pour laquelle les pouvoirs spéciaux d’investigation ont été mis en œuvre n’était pas avérée et qu’ils ont uniquement utilisé un prétexte pour mettre en œuvre les pouvoirs spéciaux. En l’espèce, la Cour estime que cette finalité n’est pas caractérisée : ni l’absence d’implication effective de la personne dans les faits objet de la mesure de sonorisation, ni le fait que la personne ait été ultérieurement mise en examen pour des faits distincts révélés par la sonorisation, ne suffisent à démontrer l’intention des enquêteurs de détourner la procédure. Cour de cassation, Chambre criminelle, 18 juin 2019, N°19-80015 https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000038708907&fastReqId=901236546&fastPos=1

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