La sonorisation des cellules de garde à vue porte atteinte au droit à un procès équitable et au principe de loyauté des preuves

Published on : 13/04/2015 13 April Apr 04 2015

Source : Cass. ass. plén., 6 mars 2015, n° 14-84339

A la suite d’un vol avec arme, une information a été ouverte au cours de laquelle le juge d’instruction a, par ordonnance motivée prise sur le fondement des articles 706-92 à 706-102 du code de procédure pénale, autorisé la mise en place d’un dispositif de sonorisation dans deux cellules contiguës d’un commissariat de police en vue du placement en garde à vue des personnes soupçonnées d’avoir participé aux faits.
Ayant communiqué entre elles pendant leurs périodes de repos, les propos de l’une des deux personnes par lesquels elle s’incriminait elle-même ont été enregistrés.
Mis en examen et placé en détention provisoire, l’individu a déposé une requête en annulation de pièces de la procédure
Pour rejeter la demande d’annulation des procès-verbaux de placement et d’auditions en garde à vue, de l’ordonnance autorisant la captation et l’enregistrement des paroles prononcées dans les cellules de garde à vue, des pièces d’exécution de la commission rogatoire technique accompagnant celle-ci et de la mise en examen, l’arrêt retient que plusieurs indices constituant des raisons plausibles de soupçonner la personne avait pu participer aux infractions poursuivies justifient son placement en garde à vue, conformément aux exigences de l’article 62-2, alinéa 1, du code de procédure pénale, que l’interception des conversations a eu lieu dans les conditions et formes prévues par les articles 706-96 à 706-102 du code de procédure pénale, lesquelles n’excluent pas la sonorisation des cellules de garde à vue contrairement à d’autres lieux visés par l’article 706-96, alinéa 3, du même code.
En outre, l’arrêt relève qu’a été notifiée aux personnes intéressées l’interdiction de communiquer entre elles, et qu’elles ont fait des déclarations spontanées, hors toute provocation des enquêteurs, et que le droit au silence ne s’applique qu’aux auditions et non aux périodes de repos.
Par un arrêt d’assemblée plénière, la Cour de Cassation estime qu’au cours d’une mesure de garde à vue, le placement, durant les périodes de repos séparant les auditions, de deux personnes retenues dans des cellules contiguës préalablement sonorisées, de manière à susciter des échanges verbaux qui seraient enregistrés à leur insu pour être utilisés comme preuve, constitue un procédé déloyal d’enquête mettant en échec le droit de se taire et celui de ne pas s’incriminer soi-même et portant atteinte au droit à un procès équitable
L’arrêt est donc cassé au visa des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi que les articles préliminaire et 63-1 du code de procédure pénale, ensemble le principe de loyauté des preuves et le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination

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