Liberté de création ou protection de la vie privée : qui de nous deux ?
Published on :
11/06/2025
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Le litige oppose deux ex-concubins, le premier auteur-compositeur et la seconde autrice, le premier accusant la seconde d’avoir sans autorisation reproduire le texte d’une chanson dans un ouvrage qui laisse peu de place au doute sur l’identité des protagonistes.
La 3ème chambre du Tribunal Judiciaire de PARIS va procéder à un raisonnement extrêmement pointu faisant application d’une méthodologie rigoureuse.
Elle va tout d’abord rechercher la qualité d’œuvre originale à la chanson citée. Par une étude approfondie du texte le juge retient plusieurs éléments en faveur de l’originalité : utilisation d’expressions franco-anglaises, progression dramatique et l’usage d’une rythmique distinctive.
Puis elle va s’attacher à déterminer si le demandeur peut revendiquer la qualité d’auteur de ladite chanson, étant précisé que cette qualité n’est nullement définie par la loi. La qualité d’auteur découle exclusivement de l’acte de création même non parachevé et/ou public. En l’espèce le demandeur rapportait bien la preuve de l’existence de sa création antérieurement à la parution du livre citant la chanson.
La qualité d’œuvre originale et la qualité d’auteur étant démontrées le tribunal a recherché si la reproduction non autorisée pouvait se justifier par l’application d’une exception légale qui revêt deux aspects :
- La citation poursuit un but critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information,
- La citation est courte, proportionnée à l’œuvre citée et clairement identifiable
Au-delà, il n’était fait aucune mention explicite à l’auteur.
Pour parfaire son raisonnement, le Tribunal a mis en balance d’un côté le droit au respect de la vie privée et de l’autre la liberté de création.
Dans la droite ligne de la jurisprudence antérieure il est rappelée que la liberté de création n’est pas absolue et qu’un auteur ne peut, sous prétexte de fiction, introduire des éléments susceptibles de porter atteinte à la vie privée d’autrui, fussent-ils imaginaires si le lecteur est en mesure d’établir un lien entre ces derniers et une personne existante, ce qui était clairement le cas en l’espèce.
En conclusion, le tribunal a retenu que l’autrice avait repris les paroles d’une chanson dans son ouvrage, sans mention de son origine et de sa paternité, et sans remplir les conditions de l’exception légale.
Tribunal Judiciaire Paris, 30 janvier 2025, n°23/03336
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