Quand le viol dépend de… l'apparence physique du partenaire…
Published on :
28/03/2019
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C'est en cette forme de provocation que l'on pourrait résumer la décision rendue par la chambre criminelle de la Cour de Cassation le 23 janvier 2019. Les faits ont donné lieu à des appréciations tout à fait divergentes des différentes autorités judiciaires qui en ont connu. Les faits : un homme, âgé de 68 ans, qualifié par la victime de "vieil homme à la peau fripée et au ventre bedonnant", a monté un stratagème pour obtenir des faveurs sexuelles de différentes femmes. Il s'inscrit sur des sites de rencontres en ligne, en se présentant comme étant X, 37 ans, 1m78, architecte d'intérieur, travaillant à MONACO, avec une photo très avantageuse jointe à son profil pour le représenter, ladite photo étant finalement, après enquête, déterminée comme étant celle d'un mannequin au physique athlétique, trouvée elle-même sur Internet. L'homme réussit ainsi à nouer des contacts avec plusieurs femmes, d'abord téléphoniques, il parvient à les séduire et à mettre en place le scénario d'une première rencontre qu'il qualifiait lui-même de "magique" et qui était pour le moins originale. Il était en effet prévu qu'un rendez-vous soit donné au domicile de l'homme, que la femme entre dans l'appartement, se bande les yeux sans l'avoir vu, se mette nue, et le rejoigne dans la chambre, guidée par sa voix. Ensuite, il était convenu que l'homme lui attache les mains et qu'ils aient une relation sexuelle. Ce scénario a été accompli avec plusieurs femmes, à l'issue duquel, une fois détachées et autorisées à enlever le bandeau qu'elles avaient sur les yeux, elles ont découvert un homme qui ne correspondait pas du tout au profil internet espéré. Suite à plusieurs plaintes, l'homme a été interpelé, placé en garde à vue, et mis en examen du chef de viols aggravés, il n'a pas contesté que sans les fausses informations transmises à ces femmes, il n'aurait pas pu parvenir à ses fins. Le Juge d'Instruction a ordonné sa mise en accusation du chef de viol commis par surprise. La chambre de l'Instruction, sur appel, a au contraire considéré que la surprise qui est à l'origine du crime est celle qui consiste à surprendre le consentement de la victime, et pas celle de la surprise exprimée par cette dernière, lorsqu'elle tombe des nues en découvrant le physique peu avantageux de l'homme avec lequel elle vient d'avoir une relation sexuelle, au par ailleurs parfaitement consentie, et dans les conditions pour le moins romanesques rappelées ci-dessus. Pour la Cour d'Appel, si le stratagème utilisé a pu incontestablement constituer le moyen d'amener les victimes à se présenter au domicile de l'homme, elles avaient néanmoins accepté d'avoir une relation sexuelle au domicile de celui-ci, suivant un scénario élaboré par celui-ci, et pour lequel elles pouvaient à tout moment analyser la situation, pour le moins originale, et le cas échéant, s'y dérober. La Cour d'Appel a ainsi considéré qu'aucune contrainte ou menace sérieuse n'avait été exercée contre elles à aucun moment. La Cour de Cassation, dans un attendu de principe, casse cette décision et considère que "l'emploi d'un stratagème destiné à dissimuler l'identité et les caractéristiques physiques de son auteur pour surprendre le consentement d'une personne et obtenir d'elle un acte de pénétration sexuelle constitue la surprise" et donc le viol. A l'instar des différences d'avis ayant existé entre le Juge d'Instruction et la Cour d'Appel, et finalement la Cour de Cassation, on peut se demander quelle sera la décision à intervenir de la Cour d'Assises, devant laquelle l'homme sera normalement déféré. Affaire à suivre… Source: Chambre criminelle de la Cour de Cassation, 23 janvier 2019, n° 18-82.833
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