Trafic de Stup’ au pays de Mickey, salarié sanctionné !

Published on : 19/02/2018 19 February Feb 02 2018

Dans l’enceinte du fameux parc d’attractions, une procédure d’instruction fut ouverte sur des faits d’infraction à la législation sur les stupéfiants. Tous les salariés ont été entendus, certains mis en examen et d’autres non. L’employeur s’étant constitué partie civile, il eut, à ce titre, accès aux pièces du dossier. C’est ainsi qu’il découvrit, dans une audition de l’un de ses salariés que ce dernier avait facilité et participé au développement d’un trafic de stupéfiants au sein du parc. Outre le fait que cela pourrait recouvrir une qualification pénale, ce comportement est également une infraction au règlement intérieur qui prohibe le fait d’introduire, de distribuer ou consommer des produits stupéfiants dans l’enceinte du parc. Sur la base de cette audition, l’employeur a engagé une procédure de licenciement pour faute à l’encontre du salarié auditionné, alors même que ledit salarié n’a été ni mis en examen, ni condamné pénalement par la suite. Le salarié a contesté son licenciement, plaidant pour qu’il soit jugé nul, en raison, selon lui, de l’atteinte au principe de la présomption d’innocence, fondée sur le fait que l’employeur a, durant la procédure prud’homale, produit son audition. La Cour d'Appel accueille les arguments du salarié et juge, en substance, nul le licenciement pour : - atteinte au principe à valeur constitutionnelle de la présomption d’innocence, principe qui est également une liberté fondamentale ; - que l’audition du salarié par les forces de l’ordre avait forcément était faite en situation de contrainte ; - mais également parce qu’une partie ne peut se prévaloir de pièces issues d’une procédure pénale que pour les besoins de sa défense, or, à la date du licenciement, aucune procédure n’ayant été introduite, l’employeur ne pouvait faire valoir les besoins de sa défense ; - enfin, que le licenciement ne reposait que sur l’audition de ce salarié, sans aucun autre élément matériel ou extérieur à la procédure pénale, alors que ladite procédure pénale n’a pas abouti à une condamnation. La Cour de cassation casse cet arrêt et juge, au contraire, que le droit à la présomption d’innocence n’a pas pour effet d’interdire à un employeur de se prévaloir de faits dont il a régulièrement eu connaissance au cours d’une procédure pénale à l’appui d’un licenciement. Le « régulièrement » est d’importance. En effet, l’employeur avait eu accès à ces pièces en tant que partie civile et avait demandé l’autorisation au Procureur de la République de produire ces pièces dans la procédure prud’homale, ce qui lui avait été accordé. Mais le raisonnement de la Cour va plus loin. Elle juge, en effet, que la procédure disciplinaire est indépendante de la procédure pénale, de sorte que l’exercice par l’employeur de son pouvoir disciplinaire ne méconnait pas le principe de la présomption d’innocence lorsqu’il prononce une sanction disciplinaire – non respect du règlement intérieur - pour des faits identiques à ceux visés par la procédure pénale. Il convient de rappeler ici que le trafic de stupéfiant était également réprimé par le règlement intérieur, manquement qui pouvait caractériser en lui-même une sanction disciplinaire. La solution retenue est intéressante puisqu’elle permet de clarifier les différentes situations qui peuvent voir le jour en cas de procédure pénale et procédure de licenciement parallèles, si le salarié est licencié précisément sur la base d’une infraction pénale : - En cas de relaxe : la juridiction prud’homale est tenue et doit conclure à une absence de cause réelle et sérieuse ; - En cas de condamnation : la juridiction prud’homale est tenue et doit conclure à l’existence d’une cause réelle et sérieuse ; - En l’absence de poursuite : la juridiction prud’homale doit rechercher si les faits reprochés constituent ou non une cause réelle et sérieuse, sans que puisse être opposée la présomption d’innocence ou l’absence de condamnation pénale ; En cas de licenciement avant la fin d’une procédure pénale, il conviendra donc de rédiger avec précaution la lettre de licenciement et éviter de s’identifier totalement à la potentielle qualification pénale pour éviter un jugement « sans discussion ». Préférez « non-respect des dispositions du règlement intérieur relatives à [...] » plutôt que la qualification pénale de « vol », « escroquerie », « violences » etc... En cas de doute, prenez les conseils d’un professionnel du droit. Source : Cour de cassation, chambre sociale, 13 décembre 2017, pourvoi n°16-17193

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