Le voleur, le Directeur et les lumières éteintes : séquestration ou simple mesure d’enquête interne ?

Published on : 23/04/2018 23 April Apr 04 2018

Alors que le directeur observait ses caméras de vidéosurveillance, il fut surpris de constater que l’un de ses salariés était en train de commettre, devant ses yeux ébahis, un vol. Ni une, ni deux, le directeur invite son salarié à le suivre, tandis que son DRH interpelle d’autres salariés, soupçonnés d’être complices du premier. Les salariés sont alors conduits dans des locaux séparés pour empêcher leur concertation, privés de leur téléphone mobile, interrogés et confrontés. L’employeur, après interrogatoires, comprend qu’un complice attend les compères dehors et décide d’éteindre l’éclairage des locaux pour surprendre le tiers à l’extérieur. Car, en effet, le salarié pris en faute a avoué le vol, mais également qu’un autre salarié était l’instigateur des vols et qu’une personne extérieure devait prendre la marchandise dérobée. Dans la pénombre, le salarié pris sur le fait demande à ce que la lumière du bureau soit rallumée, ce à quoi le directeur lui demande de ne pas bouger jusqu’à nouvel ordre. Finalement, personne n’arrive et le salarié est « libéré », mais néanmoins mis à pied. Le salarié dépose plainte pour séquestration et violences volontaires contre le personnel de direction. Saisit, le Tribunal correctionnel suit les doléances du salarié et condamne. L’employeur fait appel, tout comme le Ministère public. La Cour d'Appel maintient la condamnation en jugeant qu’en plaçant le salarié dans un bureau et en lui demandant d’y rester jusqu’à nouvel ordre, l’employeur a fait subir une contrainte morale irrésistible à son salarié, l’exposant à un licenciement pour faute s’il partait et que l’employeur a usurpé la qualité d’officier de police judiciaire en prenant à l’encontre de son salarié l’équivalent d’une mesure de garde à vue et en s’autorisant à procéder à une enquête. L’employeur se pourvoit en cassation et la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel en jugeant que les juges n’ont pas précisé les actes matériels dirigés contre le salarié le privant de sa liberté d’aller et venir, ce qui empêche la caractérisation de l’élément matériel de l’infraction. En outre, dit la Cour de cassation, l’employeur, qui a connaissance de faits répréhensibles, susceptibles d’être disciplinairement sanctionnés, peut procéder à une enquête interne et recueillir les explications de ses salariés. Point de séquestration donc, simplement une enquête interne. Source : Cour de cassation, chambre criminelle, 28 février 2018, pourvoi n°17-81929

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