La fidélité concerne-t-elle seulement le couple ou la société tout entière ?

Published on : 03/08/2019 03 August Aug 08 2019

La Cour d'Appel de PARIS a eu à trancher une question qui, sous des apparences anodines, voire drôles, présente en fait les traits d’une question sociétale profonde. En effet, pour ceux qui l’ignoreraient encore, il existe (au moins) un site Internet dont l’objet est de procéder à du courtage adultérin ; en d’autres termes, il se propose de mettre en relation des gens mariés, qui souhaitent tromper leurs conjoints. Ce site, géré par la société BLACKDIVINE, sous le nom Gleeden.com, est tout à fait explicite puisque son site accueille les internautes par des propos tels que : « Bienvenue sur Gleeden.com le site n° 1 des rencontres entre personnes mariées ! Que vous recherchiez une aventure extraconjugale près de chez vous ou un amant à des milliers de kilomètres lors de vos déplacements, Gleeden.com vous propose un espace privilégié pour entrer en contact en toute sécurité avec les infidèles du monde entier ! Envie de rencontres adultères ? A vous de jouer ! » Franchissant un pas supplémentaire, cette même société a fait de la publicité audiovisuelle et dans les couloirs du métro parisien avec des affiches portant le slogan : « Et si cette année, vous trompiez votre amant avec votre mari ? » Cette activité a déplu à un certain nombre de personnes et notamment l’Association Confédération Nationale des Associations Familiales Catholiques, qui a contesté le droit à ce site de pratiquer ce type d’activités et de publicité. En effet, l’association demanderesse estimait notamment que les contrats conclus entre la Société BLACKDIVINE, éditrice du site, et ses membres, étaient fondés sur une cause illicite et qu’il devait lui être ordonné de cesser de faire référence à l’infidélité dans ses publicités. La procédure a été menée devant le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de PARIS, qui débouta l’association pour défaut de qualité et d’intérêt à agir, et, devant la Cour d'Appel de PARIS, l’association demanderesse invoquait la nullité de l’activité de courtage adultérin, l’illicéité de la publicité effectuée par BLACKDIVINE et le caractère choquant de cette communication pour les convictions religieuses, philosophiques ou politiques des téléspectateurs. La Cour d'Appel de PARIS affirme quant à elle la recevabilité de l’action mais la déboute de l’ensemble de ses demandes. Pour aboutir à cette décision, la Cour considère que l’obligation de fidélité n’est pas une obligation relevant de l’ordre public de direction, de sorte que seuls les époux peuvent l’invoquer. Elle déclare ensuite que l’infidélité n’est pas un comportement illicite ou antisocial, dont la promotion serait contraire aux règles en matière de publicité. Tout d’abord, la première affirmation est tout à fait fondamentale puisque la Cour d'Appel de PARIS s’est posé la question de savoir quelle est la nature juridique de l’obligation de fidélité. Celle-ci en effet est clairement posée dans la loi, par l’article 212 du Code Civil, dont la lecture est faite à chaque futur époux lors de la cérémonie civile du mariage par l’officier d’état civil, lequel texte dispose que « les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance. » Il n’est donc pas contestable que l’obligation de fidélité soit une obligation légale pour les gens mariés. La question reste cependant de savoir si la violation de cette obligation de fidélité dans un contrat entraîne une nullité relative, qui ne peut donc être invoquée que par les époux ou une nullité absolue qui peut être invoquée par quiconque, y compris l’association demanderesse. Afin de savoir si la nullité est absolue ou relative, il convient de savoir si l’ordre public ainsi mis en œuvre est un ordre public de protection, ou un ordre public de direction. La Cour d'Appel de PARIS a considéré qu’il ne s’agit pas d’un ordre public de direction, de telle sorte que seuls les époux pourraient l’invoquer. La Cour d'Appel a ainsi considéré que l’activité de courtage adultérin n’était pas illicite. Cette affirmation est discutable, puisque l’obligation de fidélité qui protège évidemment les époux, protège également la société. En effet l’obligation de fidélité n’est jamais qu’un aspect du caractère monogamique du mariage, qui dépasse, à l’évidence, le simple couple pour fonder les bases d’une société toute entière. L’affaire est à suivre car il est probable qu’un pourvoi en cassation soit formé contre cette intéressante décision. (Cour d'Appel de PARIS Pole 5 Chambre 11 : 17/05/2019 n° 17/04642)

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