Le casse-tête de la signification internationale.
Published on :
18/05/2017
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Les droits de la défense et le principe du contradictoire imposent que le défendeur soit informé qu’une action en justice est dirigée contre lui, qu’il puisse connaître l’argumentaire adverse et qu’il puisse se défendre.
La difficulté survient quand l’adversaire réside ailleurs que dans le pays du demandeur.
Ailleurs, en Europe, des règles sont fixées, avec des formulaires précis.
Ailleurs, dans le monde, il faut se référer aux conventions internationales et, à défaut, au Code de procédure civile.
La procédure à suivre est aussi précise que stricte, c’est la première difficulté. La deuxième concerne le temps... puisqu’il faut mettre en place une procédure qui peut durer de longs mois et, des fois, pour rien. Pourquoi ? Parce que, quelque fois, il est impossible de savoir si l’adversaire a reçu, ou non, l’acte qui a lui été signifié.
Pour sortir de cette impasse, le Code de procédure civile dispose de l’article 688 qui prévoit que, s’il n’est pas établi que le destinataire d’un acte en a eu connaissance en temps utile, le juge peut statuer si trois conditions sont réunies :
L’acte a été transmis selon les règlements communautaires, les traités internationaux applicables ou, à défaut, selon les prescriptions des articles 684 à 687 du Code de procédure civile ; Un délai d’au moins 6 mois s’est écoulé depuis l’envoi de l’acte ; Aucun justificatif de remise de l’acte n’a pu être obtenu nonobstant les démarches effectuées auprès des autorités compétentes de l’Etat où l’acte doit être remis ;
C’est sur ce dernier critère que la Cour de cassation a précisé la portée du texte dans un arrêt récent, publié au Bulletin.
Dans cette espèce, un créancier institutionnel français poursuivait un débiteur domicilié au Maroc. L’assignation fut transmise selon les formes prévues par la convention internationale applicable, sans qu’il n’y ait cependant aucun retour de l’Etat requis.
Le créancier a alors demandé l’application de l’article 688 du Code de procédure civile, ce qui a été retenu par les premiers juges. L’affaire a été jugé et le débiteur condamné. Il fit appel et souleva la nullité de l’assignation en arguant du défaut d’accomplissement des formalités d’ordre public de remise d’un acte à l’étranger.
Le débiteur reprochait également aux premiers juges d’avoir statués au fond sans que ne soient respectées les conditions de l’article 688 du Code de procédure civile puisqu'il n'est pas justifié que l'huissier instrumentaire ait effectué des démarches auprès des autorités compétentes de l'Etat marocain, pour obtenir un justificatif de remise de l'acte.
La Cour d'Appel rejette ces arguments et confirme la décision des premiers juges en jugeant que l’article 688 du Code de procédure civile n’exige pas la preuve par l'huissier significateur des démarches effectuées auprès des autorités compétentes de l’Etat requis.
C’est sur ce point que l’arrêt de la Cour d'Appel est cassé au motif que, « en statuant ainsi, sans qu'il ait été justifié des démarches effectuées en vue d'obtenir un justificatif de remise de l'acte auprès des autorités compétentes de l'Etat où l'acte devait être remis, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».
Ainsi, l’huissier de justice doit prouver l’échec de la signification internationale en démontrant son impossibilité d’obtenir un justificatif de remise de l’acte.
Comment obtenir une telle preuve négative ? Aucun texte ne le dit (sauf en matière de signification communautaire, mais cela n’est pas le sujet).
L’huissier doit donc improviser en s’enquérant régulièrement de l’état d’avancement de la signification dans le pays étranger.
Des auteurs préconisent ainsi d’interroger les services postaux locaux en sollicitant une attestation de la bonne réception de l’acte par l’autorité étrangère mais également par le destinataire. Car, en effet, le fait pour l’huissier d’attester ne pas avoir reçu de retour de l’acte est insuffisant.
L’huissier n’a cependant pas à prouver les diligences effectuées par l’agent significateur étranger, mais seulement à prouver ses propres diligences, soit d’obtenir une réponse de l’Etat requis. En cas de silence de celui-ci, cela sera la preuve de l’échec de la signification.
La solution parait simple en théorie, on imagine cependant les difficultés pratiques à obtenir d’un état qui ne vous répond pas…un certificat prouvant qu’il ne vous répond pas… Source : Cour de cassation, 2ème civ, 23 février 2017, pourvoi n° 16-15493.
Lien : https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000034086982&fastReqId=1594661531&fastPos=1
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