Immunité pénale de la société absorbante pour les faits commis par la société absorbée : clap de fin
Published on :
15/01/2021
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Il est certainement l’un des arrêts les plus notables et attendus de l’année 2020. Et pour cause. Par un arrêt en date du 25 novembre 2020, la Cour de cassation a mis un terme à l’immunité pénale totale de la société absorbante pour les faits commis par la société absorbée avant la fusion. Suivant une jurisprudence constante (Cass. Crim., 20 juin 2000, n°99-86.742) et se fondant sur les dispositions de l’article 121-1 du Code pénal qui disposent que « nul n’est responsable que de son propre fait », la Haute Cour décidait qu’en cas de fusion-absorption, la société absorbante ne pouvait être poursuivie et condamnée pour des faits commis antérieurement à ladite opération par la société absorbée, dès lors que la société absorbée était dissoute par l’effet de la fusion. Il s’agissait de la transposition du principe de personnalité des peines applicable aux personnes physiques aux personnes « morales », c’est-à-dire aux sociétés. Cette position faisait l’objet de nombreuses critiques puisqu’elle permettait à la société absorbante d’échapper à toute poursuite, quand bien même l’opération de fusion avait été élaborée pour les besoins de l’immunité, ou en « fraude à la loi », c’est-à-dire en déviant de sa finalité l’article 121-1 du Code pénal. Pour autant, jusqu’en 2020, la Cour de cassation n’avait jamais infléchi son interprétation. Il s’agit donc bien là d’une petite révolution, influencée par la jurisprudence européenne. En effet, la Cour de justice de l’Union Européenne puis la Cour Européenne des droits de l’Homme ont toutes deux eu à statuer sur l’interprétation du principe de personnalité des peines dans le cadre d’opérations de fusion-absorption. C’est ainsi que la Cour de justice de l’Union Européenne décidait dans un arrêt du 5 mars 2015 que : « une fusion par absorption entraîne la transmission à la société absorbante de l’obligation de payer une amende. » (CJUE, 5 mars 2015, C-343/13) Puis, statuant sur le fondement des dispositions de l’article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, dans une affaire contre la France, la Cour Européenne des droits de l’Homme décidait dans un arrêt de 2019 que « la société absorbée n’est pas véritablement « autrui » à l’égard de la société absorbante ». Elle retenait en conséquence qu’il n’existait pas d’atteinte au principe de personnalité des peines en cas d’amende civile infligée à la société absorbante en raison de faits de la société absorbée (CEDH, 1er oct. 2019, Carrefour France c/ France, aff. 37858/14) Tirant les conséquences de l’interprétation européenne, la Cour de cassation a réalisé un important revirement de jurisprudence. L’arrêt du 25 novembre 2020 conditionne néanmoins les conditions de cette nouvelle interprétation. La société absorbante ne peut être condamnée pénalement pour des faits constitutifs de certaines infractions commises par la société absorbée avant la fusion que :
- Dans le cadre des opérations de fusion intégrant le champ de la directive 78/855/CEE du Conseil du 9 octobre 1978 relative à la fusion des sociétés anonymes ;
- Pour des peines d’amende et de confiscation ;
- Pour les opérations de fusion absorption conclues postérieurement au 25 novembre 2020.
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