Protection contre le harcèlement moral : l’importance de la qualification des maux
Published on :
03/11/2017
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On pourrait être tenté de croire qu’en matière sociale, les juges sont prompts à traiter les salariés avec une certaine bienveillance, ces derniers étant la partie faible du contrat. Eh bien, on se tromperait.
En effet, la Cour de cassation, dans un arrêt récent, a fait montre d’une certaine sévérité relativement à la dénonciation, peut-être maladroite, faite par un salarié à son employeur, d’être victime d’un harcèlement moral.
Celui-ci a avisé, dans un mail, son employeur de son souhait de « l'informer de vive voix du traitement abject, déstabilisant et profondément injuste » qu'il estimait être en train de subir.
Moins d’un mois après avoir averti son employeur, le salarié en question subissait un licenciement pour avoir proféré « des accusations diffamatoires » ainsi que « un dénigrement et un manque de respect manifesté par des propos injurieux qui constitue un abus dans la liberté d'expression, par les termes employés et les conséquences qu'ils ont eues sur le fonctionnement de l'entreprise ».
La Cour d'Appel saisie du litige a qualifié les faits dénoncés d’agissements de harcèlement moral. Et, puisque le salarié avait été licencié pour avoir dénoncé ces faits, que le licenciement était nul.
L’employeur se pourvoit en cassation, arguant que si le licenciement motivé par la dénonciation de faits de harcèlement moral est en principe nul, sauf mauvaise foi du salarié, c'est à la condition qu'il soit reproché effectivement au salarié d'avoir dénoncé l'existence de faits de « harcèlement moral ». Pour l’employeur donc, dénoncer un « traitement abject, déstabilisant et profondément injuste », ce n’est pas la même chose que dénoncer un harcèlement moral.
La Cour de cassation suit l’employeur et casse l’arrêt de la Cour d'Appel en jugeant que « le salarié n'avait pas dénoncé des faits qualifiés par lui d'agissements de harcèlement moral ».
La solution est stricte, surtout lorsque l’on sait que les juges doivent donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination des parties, dixit le Code de procédure civile, et que le salarié avait qualifié juridiquement, dans sa requête prud’homale, que les faits visés dans son mail dénonçaient un harcèlement moral.
En conclusion, pour être protégé suite à une dénonciation, soyez précis dans la qualification. Inscrivez-donc : « Je vous informe du traitement abject, déstabilisant et profondément injuste que je subis, caractérisant un harcèlement moral/un harcèlement sexuel/une discrimination » et le Code du travail vous offrira sa protection en cas de licenciement. Source : Cour de cassation, chambre sociale, 13 septembre 2017, pourvoi n°15-23045 En savoir plus