Que se passe-t-il quand le Juge national ne respecte pas le droit européen ? Ou les difficultés liées au non-respect des règles de la litispendance internationale.
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19/04/2019
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On a coutume de penser, et d'enseigner, que les règles de litispendance prévoyant une priorité de compétence de la juridiction première saisie dans les règlements européens et notamment dans le Règlement BRUXELLES II Bis relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale, du 27 novembre 2003, sont efficaces. En effet, ce règlement prévoit, dans son article 17, que la juridiction d'un Etat membre saisi, doit vérifier sa compétence (ce qui reste malheureusement en France en tous les cas largement théorique), et doit éventuellement se déclarer d'office, incompétente. Tandis que l'article 19 du même Règlement BRUXELLES II Bis, prévoit que lorsque des demandes sont formées entre les mêmes parties devant des juridictions d'Etats membres différents, la juridiction saisie en second doit surseoir à statuer jusqu'à ce que la compétence de la juridiction première saisie soit établie. Ce mécanisme, généralement bien appliqué, est à l'origine des fameuses courses aux juges, mais évite au moins qu'en pratique, deux juridictions européennes soient saisies en même temps d'une même affaire, ce qui évite d’aboutir à des solutions inconciliables. L'arrêt d'espèce concerne un couple italo-roumain, établi à l'origine en Italie, dont le mari, lors de la séparation, a introduit, devant le Tribunal italien, une demande de séparation de corps. Parallèlement, la mère a saisi, postérieurement, un Tribunal roumain pour demander le divorce. Les critères de compétence de l’article 3 du Règlement Bruxelles II bis le permettent notamment si cette dernière est retournée vivre dans l’Etat membre dont elle a la nationalité pendant 6 mois avant de saisir la juridiction de cet Etat. La juridiction roumaine n'a pas accueilli (alors qu’elle aurait manifestement du le faire) l'exception de litispendance soulevée par le père, sur le fondement de l'article 19 du Règlement BRUXELLES II Bis et a prononcé le divorce. Le jugement a acquis autorité de chose jugée suite à la confirmation par la Cour d'Appel de BUCAREST. Parallèlement, en Italie, la séparation de corps a été prononcée, postérieurement à l'arrêt de la Cour d'Appel de BUCAREST. Le contentieux a continué en Italie et est allé jusqu'à la Cour de Cassation, qui a saisi la Cour de Justice de l'Union Européenne de questions relatives à l'article 19 du Règlement Bruxelles II bis sur l'exception de litispendance. La question qui était posée à la Cour de Justice était de savoir si le fait qu'une juridiction européenne ait statué, de manière manifestement contraire au droit européen, en refusant de faire jouer l'exception de litispendance, justifierait le fait que la décision rendue par la juridiction normalement incompétente, ne soit pas reconnue, ni exécutée dans un autre Etat membre. La première question posée à la Cour de Justice était de savoir si les règles de litispendance peuvent ou non être considérées comme des règles de compétence, pour lesquels, tout contrôle serait prohibé. Sur cette première question, la Cour de Justice de l'Union Européenne a répondu qu'en vertu du principe de confiance mutuelle à l'intérieur de l'espace judiciaire européen, tout contrôle de la compétence d'une juridiction est prohibé au stade de la reconnaissance et de l'exécution. La seconde question était de savoir si le refus de reconnaissance et d'exécution d'une décision rendue par un Etat européen normalement incompétent peut être justifié par une contrariété à l'ordre public. Sur ce point, la Cour de Justice de l'Union Européenne a répondu également par la négative, en indiquant que le non-respect des règles de litispendance ne saurait à lui seul justifier la non-reconnaissance de la décision étrangère en raison d'une contrariété manifeste à l'ordre public de l'Etat requis. La décision, à vrai dire, ne surprend guère, puisque l'article 24 du Règlement BRUXELLES II Bis indique lui-même qu'il ne peut être procédé au contrôle de la compétence de la juridiction de l'Etat membre d'origine, et que le critère de l'ordre public visé à l'article 22.a du Règlement ne peut être appliqué aux règles de compétence. Il reste qu'il peut paraître ainsi étonnant, que l'ordre juridique de l'Union Européenne laisse s'appliquer et être reconnues des décisions rendues par une juridiction européenne manifestement incompétente. En réalité, la décision s'explique par le fait qu'il existe d'autres motifs de non-reconnaissance des décisions de justice rendues à l'intérieur de l'Union Européenne, l'arrêt de la Cour de Justice prenant la peine d'expliquer que le non-respect des règles de litispendance ne saurait, à lui-seul, justifier la non-reconnaissance d'une décision étrangère. En effet, l'article 22 du Règlement BRUXELLES II Bis, relatif aux motifs de la non-reconnaissance des décisions de divorce, séparation de corps ou d'annulation du mariage, prévoit qu'une décision n'est pas reconnue si, également, elle est inconciliable avec une décision rendue dans une instance opposant les mêmes parties dans l'Etat membre requis, ou si elle est inconciliable avec une décision rendue antérieurement dans un autre Etat membre ou dans un Etat tiers, dans une affaire opposant les mêmes parties, dès lors que cette première décision réunit les conditions nécessaires à sa reconnaissance dans l'Etat membre requis. Dans le cas d'espèce, on peut supposer que les juridictions italiennes avaient déjà rendu au moins une décision en matière de séparation de corps, de telle sorte que la décision roumaine dont il était demandé la reconnaissance et l'exécution, était probablement inconciliable avec la décision italienne rendue dans une instance opposant les mêmes parties. Source: Cour de Justice de l'Union Européenne, 16 janvier 2019, N° C-386/17, Liberato, JurisData n° 2019-002250
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