La demande d’exequatur d’un jugement étranger peut-elle être faite par voie incidente ?
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23/04/2018
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La question peut paraître étrange, lorsque l’on sait qu’une demande d’exequatur (procédure par laquelle la juridiction française compétente autorise l'exécution en France d'un jugement ou d'un acte étranger) est habituellement demandée à titre principal par celui qui y a intérêt. L'exequatur, lorsqu’elle est accordée, confère alors la force exécutoire française au jugement étranger, qui pourra donc être exécuté et reconnu en France. Mais, une demande d’exequatur est-elle recevable par voie incidente ? Un débiteur avait tout d’abord été condamné par un Tribunal correctionnel français, à verser des dommages intérêts à une société victime de ses agissements. Cette société avait elle-même cédé sa créance à une autre société. Puis, notre débiteur avait obtenu d’un Tribunal de faillite américain une ordonnance de « discharge of debtor » le libérant de sa dette de dommages intérêts notamment à l’égard de la société cessionnaire. Cherchant à recouvrer son dû, la société cessionnaire l’avait alors assigné en partage dans la succession de son père devant un Tribunal français, procédure dans laquelle notre débiteur fut défaillant, et condamné. Devant la Cour d'Appel, celui-ci avait sollicité par voie incidente l’exequatur de la décision de « discharge of debtor », cette demande fut accueillie positivement par la Cour, qui conféra force exécutoire à cette décision, au grand dam du créancier, qui ne manqua pas de soumettre la question à la Haute Cour. A l’appui de son pourvoi, le créancier indiquait que :
- l’exequatur d’une décision étrangère prononçant une faillite personnelle ne pouvait être demandée en France aux fins de suspendre les poursuites individuelles qu’à titre principal et non à titre incident par voie de conclusions dans une instance déjà engagée,
- la demande était irrecevable comme nouvelle, car présentée pour la première fois en appel dans une instance ayant un autre objet, quand bien même le demandeur en exequatur n’avait pas constitué avocat en première instance,
- que la force exécutoire ne pouvait être ordonnée puisque le cessionnaire d’une créance de dommages intérêts résultant d’une condamnation pénale au bénéfice de la partie civile en acquiert les droits, actions ainsi que la qualité de victime, et qu’il est contraire à l’ordre public international français d’effacer une créance de dommages intérêts résultant d’une condamnation pénale française devenue définitive au bénéfice de la partie civile. Son pourvoi fut rejeté en tous points. Pour la Cour de Cassation, l’exequatur aux fins de reconnaissance ou d’exécution d’un jugement étranger peut être demandé par voie incidente dans une instance qui n’a pas pour objet principal ce jugement, y compris pour la première fois en appel lorsque la partie défenderesse n’a pas été constituée en première instance. En outre, la cession de créance de dommages intérêts n’a pas eu pour effet de conférer à la société cessionnaire la qualité de victime, de sorte que la décision d’exequatur n’est pas contraire à l’ordre public international français. La recevabilité de la demande d’exequatur d’un jugement étranger par voie incidente est donc affirmée, et les conditions sont posées. Cour de Cassation 1re Chambre Civile 10 janvier 2018 n°16-20.416
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