Je ne le jure PAS
Published on :
08/09/2021
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En application de la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer, les contrôleurs de la RATP doivent prêter serment pour pouvoir exercer leurs fonctions. La loi ne détermine pas la formule du serment mais l'usage est de recourir à la formule classique « je (le) jure », en s'engageant ainsi à exercer ses fonction dans le respect des règles et de l'éthique qui gouvernent la profession. Ce serment est prêté devant le Président du Tribunal de grande instance (aujourd'hui tribunal judiciaire) de Paris. Le jour J, une salariée a refusé de prêter serment, considérant que sa religion (chrétienne) lui interdit de jurer, et a proposé une formule de remplacement. Le président du tribunal a refusé qu'une autre formule que celle consacrée par l'usage soit prononcée et a donc fait acter par procès-verbal que la salariée ayant indiqué que sa religion lui interdit de prêter le serment prévu par la loi, le serment n’avait donc pas été prêté. Par la suite, la salariée a été licenciée pour faute au motif qu’elle avait refusé de prêter le serment prévu par la loi, qu’en conséquence elle ne pouvait obtenir son assermentation et que ces faits fautifs ne permettaient pas son admission définitive dans le cadre permanent de la RATP. Considérant son licenciement comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, la salariée a saisi la juridiction prud’homale. La Cour d'appel de Paris a jugé que le licenciement était fondé et a rejeté les demandes de la salariée, en retenant que le licenciement avait été justifié par une cause réelle et sérieuse : elle avait commis une faute en refusant de se soumettre à la procédure d'assermentation. La Cour de cassation, en 2017 (1er février 2017, N°16-10459), a cassé l'arrêt d'appel en retenant, d'une part, qu'en application de la loi du 15 juillet 1845, le serment peut être reçu selon les formes en usage dans la religion du salarié et qu'en conséquence la salariée n'avait commis aucune faute et, d'autre part, que le licenciement prononcé en raison des convictions religieuses de la salariée était nul. En 2019, Le dossier revenant devant la Cour d'appel (de renvoi) après cassation, la Cour d'appel a persisté dans sa position initiale : rejetant la demande de nullité du licenciement aux motifs que la formule juratoire est dénuée de connotation religieuse et qu’ainsi l’employeur avait seulement respecté la loi qui exige l’assermentation pour exercer des fonctions d’agent de contrôle. La salariée a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt de renvoi. La Cour de cassation a réitéré sa position en cassant et annulant l'arrêt de la Cour d'appel de renvoi. La Cour de cassation juge que le respect de la liberté de conscience et de religion impose de permettre à une personne qui prête serment de substituer à la formule « je le jure » une formule équivalente d’engagement solennel. Refuser de dire « je le jure » ne constitue donc pas une faute et le licenciement prononcé par la RATP sur ce fondement est sans cause réelle et sérieuse. L’employeur n’a toutefois pas commis de discrimination le licenciement n'a pas été décidé en raison des croyances religieuses de la salariée. Ainsi la Haute Juridiction considère que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et renvoie l’affaire devant une autre cour d’appel mais uniquement pour que soit fixée l’indemnisation à laquelle la salariée peut prétendre à ce titre. Cette jurisprudence pourrait avoir ouvert une « boîte de Pandore », puisque de très nombreuses professions nécessite une prestation de serment laquelle est mise en œuvre par la célèbre et classique formule « Je le jure »... Cour de cassation, chambre sociale, 7 juillet 2021, N°20-16206 https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_sociale_576/965_7_47463.html